RETOUR DES NORDIQUES : 15 ANS DE FAUX ESPOIRS

Quatre nouvelles équipes de la LNH ont vu le jour depuis que Québec a ravivé, en 2009, le rêve du retour des Nordiques. Malgré son nouvel amphithéâtre, la capitale nationale n’a même pas été considérée lors de l’expansion à Seattle et de la récente vente des Coyotes à Salt Lake City.

Gary Bettman et la LNH ont-ils mené Québec en bateau? Retour en citations sur 15 ans de flirt, de faux espoirs et de déclarations ambiguës.

L’espoir renaît

En 2009, un vent d’espoir souffle sur Québec. Après le succès du 400e anniversaire de la ville, Régis Labeaume est prêt à s’attaquer à un autre projet d’envergure cher à ses concitoyens : le retour des Nordiques.

En octobre, le maire obtient une rencontre officielle avec Gary Bettman et il en revient galvanisé. Il convoque les médias au Colisée pour une annonce dès la semaine suivante.

Avant même la conférence de presse, le commissaire-adjoint Bill Daly se montre optimiste quant aux chances de Québec de ravoir une équipe.

La LNH a été très impressionnée par le maire et l’a encouragé à aller de l’avant, déclare le numéro 2 du circuit.

Deux jours plus tard, Régis Labeaume confirme qu’il a l’intention de doter Québec d’un nouvel amphithéâtre qui rendra réalisable le retour de la LNH. Il n’y a pas de garantie, précise-t-il, ajoutant que l’amphithéâtre pourrait aussi permettre à Québec d’attirer les Jeux olympiques de 2022.

Même si la LNH n’était pas du tout intéressée par Québec, nous voudrions quand même cet amphithéâtre , déclare celui qui sera réélu à la mairie de Québec quelques jours plus tard.

Il faut d’abord construire

En octobre 2010, des dizaines de milliers d’ex-partisans des Nordiques se rassemblent sur les Plaines dans le cadre de la Marche bleue. Une panoplie d’anciens joueurs des Fleurdelisés, dont les frères Stastny, sont en ville pour l’occasion.

Ç'a renforcé ce que je croyais déjà : il y a beaucoup de passionnés de hockey à Québec, réagit Gary Bettman.

Le commissaire de la LNH presse toutefois Québec de mettre en branle son projet de nouvel amphithéâtre alors que, dans la province, on débat sur le financement public de l’infrastructure.

Il ne peut pas y avoir d’équipe à Québec à moins d’avoir la certitude d’un nouvel aréna. Il y a beaucoup de discussions sur les possibilités d’un nouvel aréna, mais rien de concret ou de final. Le financement a-t-il été finalisé , demande Bettman en entrevue avec le quotidien La Presse.

La réponse à la question de Gary Bettman vient en février 2011 alors que la Ville de Québec et le gouvernement provincial de Jean Charest confirment la construction d’un nouvel amphithéâtre de 400 millions de dollars.

Quelques jours avant l’annonce, le commissaire de la LNH met toutefois en garde qu'il ne fait pas de promesse :

Les Thrashers à Winnipeg, un Centre Vidéotron à Québec

En mars 2011, une entente préliminaire est conclue entre Québec et Québecor pour la gestion exclusive du nouvel amphithéâtre et les droits d’identification pour les 25 années suivant son inauguration. Le rêve devient réalité, lance Régis Labeaume.

Pierre-Karl Péladeau affirme que Gary Bettman lui a confié vouloir corriger l’erreur historique du déménagement des Nordiques.

Il n’y a eu aucune garantie de la part de la Ligue que nous aurons une équipe, mais ceci ne m’empêchera pas de continuer à promouvoir le dossier de la venue d’une équipe à Québec parce que nous disposons de tous les atouts nécessaires pour en faire une réussite , déclare le grand patron de Québecor.

En mai, les Thrashers d’Atlanta sont vendus pour 170 millions de dollars à un groupe d’investisseurs de Winnipeg qui a d’abord tenté d’acheter les Coyotes de Phoenix.

C’est tout inventé, dit d’abord Gary Bettman au sujet des rumeurs de déménagement des Thrashers. Mais trois semaines plus tard, le commissaire de la LNH est au MTS Center de Winnipeg, inauguré en 2004, pour confirmer la renaissance des Jets.

Québec a manqué le bateau, mais le déménagement est tout de même encourageant. Winnipeg a bâti un nouvel amphithéâtre et elle a retrouvé son équipe. Considérant que les Coyotes de Phoenix sont toujours en difficultés financières, Québec est bien positionnée.

De nouvelles villes dans le portrait

Oui, vous pouvez écrire que les Coyotes pourraient évoluer à Québec l’an prochain. Mais vous devez aussi ajouter que d’autres villes, au même titre que Québec, pourraient hériter des Coyotes , déclare Bill Daly aux journalistes québécois, en marge de la réunion des gouverneurs de la LNH, fin janvier 2012.

Le numéro 2 de la LNH mentionne également Seattle et Kansas City comme candidates en cas de déménagement. Son patron Gary Bettman apprend quant à lui aux médias que Las Vegas a signifié son intérêt pour une équipe.

Nos relations avec les gens de Québec sont toujours très bonnes et leur candidature n’est pas moins bonne qu’elle ne l’était. Je crois toutefois que la passion avec laquelle vous suivez le dossier et l’intérêt pour le retour de la LNH à Québec ont donné l’impression que les choses étaient plus avancées qu’elles ne le sont en réalité , estime désormais le commissaire en entrevue à La Presse.

Bettman rabroue d’ailleurs le maire de Québec pour certaines déclarations publiques. À quelques reprises, Régis Labeaume a réitéré sa confiance que Québec aura une équipe de la LNH à temps pour l’inauguration du Centre Vidéotron, à l’automne 2015.

Oui à Vegas, non à Québec

C’est finalement le groupe rock Metallica, et non les Nordiques, qui inaugurent le Centre Vidéotron en septembre 2015. Les amateurs de hockey peuvent toutefois rêver. Après des années de rumeurs, la LNH vient de lancer un processus d’expansion.

Aucun doute, les dés sont pipés d’avance en faveur de Vegas. Avant même le processus d'expansion, la ligue a permis à l'homme d’affaires Bill Foley de mettre en vente des abonnements de saison dans la ville du vice.

L’unique objectif de cette mesure exceptionnelle est de permettre à M. Foley et ses collègues de quantifier l’intérêt dans ce marché, a justifié Gary Bettman sans même que son nez s’allonge.

N’empêche, l’expansion devrait logiquement inclure deux villes pour garder un nombre d'équipes pair dans la LNH. Et malgré l’intérêt avoué de Bettman pour Seattle, seuls les groupes de Vegas et Québec ont déposé leur candidature assortie du chèque de 1 million de dollars demandé.

Qu’à cela ne tienne, le processus se conclut en juin 2016 avec l’annonce d’une expansion d’une seule équipe : celle de Vegas. La franchise est vendue au coût de 500 millions de dollars américains.

Une expansion reportée

En conférence de presse, tout le monde s’affaire à dire que ce n’est que partie remise pour Québec. Notre décision de reporter une expansion à Québec est basée sur des éléments qui sont hors du contrôle de Québecor, particulièrement les fluctuations du dollar canadien, explique Gary Bettman.

À ses côtés, le président de Québecor, Pierre Dion, remercie la LNH d’avoir considéré Québec malgré la gifle que son groupe vient de recevoir. L'objectif que nous partageons ensemble de ramener les Nordiques de Québec est trop important pour baisser les bras maintenant. [...] Ce processus d'expansion a été une étape, mais ce n'est pas la fin, assure-t-il.

Québec est une incroyable ville de hockey et une excellente candidate pour une future expansion, mais en ce moment, avec le déséquilibre géographique de la Ligue, nous avons plus d’équipes dans l’Est que dans l’Ouest, déclare quant à lui propriétaire des Bruins de Boston, Jeremy Jacobs, président du comité exécutif de la LNH.

De passage à Québec pour un match de la Coupe du monde de hockey, l’automne suivant, Bill Daly ajoute quelques accords de violon.

Fort des succès des Golden Knights de Vegas, la LNH ajuste son discours dans les années qui suivent. En 2018, Jeremy Jacobs affirme que Houston est un bien meilleur marché que le Québec pour la LNH.

Houston est le 5e marché en importance en Amérique du Nord et Québec est le… 105e, disons. Économiquement et démographiquement [Québec] n’a pas tout simplement pas les chiffres , énonce l'influent propriétaire des Bruins lors du bilan de fin de saison.

C’est sans compter Seattle à qui on promet déjà une équipe. Un processus d’expansion moins officiel que le dernier s’est mis en branle au début de l’année 2018. Cette fois, Gary Bettman ne prononce plus le nom de Québec.

La LNH, admet-il sans gêne, ne fait qu’attendre que le groupe désireux d’amener du hockey professionnel à Seattle soit prêt à déposer une candidature. C’est chose faite à l’automne 2018 et, dès décembre, les gouverneurs de la LNH votent à l’unanimité en faveur de l’expansion. Le coût de la franchise : 650 millions US$.

Avec 32 équipes, nous n'envisageons pas une autre expansion pour un bon moment , conclut Bettman en point de presse.

Un ministre des Nordiques

Après quelques années d'accalmie et de pandémie mondiale de COVID-19, le gouvernement Legault souffle à son tour sur les braises du rêve du retour des Nordiques.

On a un amphithéâtre à Québec qui est déjà construit. On est en train de regarder qu'est-ce qu'on est capables de faire pour ramener les Nordiques, déclare le premier ministre, affectant le dossier à son ministre des Finances, Éric Girard. Ce dernier rencontre Gary Bettman en mai 2022 sans que quoi que ce soit de concret n’en ressorte.

Le commissaire réitère d’ailleurs à la même époque que la LNH n’a aucune intention de déménager les Coyotes de Phoenix, malgré le fait que l’équipe se soit fait expulser du Gila River Arena de Glendale en raison de factures impayées.

Preuve que le ridicule ne tue pas, l’équipe déménage dans un amphithéâtre universitaire de 5000 places, le Mullett Arena. Un projet de nouvel amphithéâtre à Tempe, une autre banlieue de Phoenix, est rejeté lors d’un référendum municipal en mai 2023. Québecor en profite pour réitérer son grand intérêt pour le retour des Nordiques à Québec.

L’automne dernier, le ministre Girard annonce plutôt la tenue de deux matchs présaisons des Kings de Los Angeles au Centre Vidéotron. Le financement public de 5 à 7 millions de dollars de l’événement est décrié de partout, mais l'entente est signée entre Québecor, le gouvernement et les Kings.

Dans la tourmente, Éric Girard défend notamment sa décision en citant le besoin de promouvoir la candidature de Québec auprès des décideurs de la LNH. Le ministre estime les probabilités du retour des Nordiques à 10 %.

Salt Lake City n’a eu qu’à lever la main

En janvier, un groupe d'investisseurs mené par l’homme d'affaires Ryan Smith annonce publiquement son désir d’amener la LNH à Salt Lake City.

Déjà propriétaire du Jazz de l’Utah dans la NBA et du Real Salt Lake dans la MLS, le milliardaire a accueilli des matchs présaisons des Kings de Los Angeles au Delta Center à quelques reprises. Il demande à la LNH de procéder à une nouvelle expansion.

Le 6 mars, il est plutôt contacté par Gary Bettman et Bill Daly qui lui proposent une idée folle, ,selon ses propres dires dans une entrevue accordée au Pat McAfee Show. La LNH se charge elle-même d’orchestrer la vente des Coyotes au groupe de l’Utah pour la rondelette somme de 1,2 milliard de dollars.

Ryan Smith n’a même pas besoin de discuter avec le propriétaire des Coyotes, Alex Meruelo. Six semaines qu’il ait été approché par la LNH, le déménagement des Coyotes en Utah est annoncé. Le tout s’est fait si vite que la nouvelle équipe de l’Utah pourrait commencer ses activités sans nom et sans logo.

Comment Salt Lake City, qui est aussi un petit marché pour les standards de la LNH, a obtenu une équipe si rapidement alors que Québec attend toujours? Gary Bettman parle d'une situation unique en raison notamment de l'emplacement géographique de la ville.

Le commissaire continue de nier qu'une autre expansion soit dans ses plans actuels, mais même si elle devait se faire, il a lui-même évoqué Houston, Atlanta, Cincinnati, Kansas City et Omaha comme marchés potentiels.

À cela s'ajoute Phoenix puisque la LNH a concédé une clause spéciale à Alex Meruelo dans la vente des Coyotes. S'il réussit à faire construire un amphithéâtre digne de ce nom dans la région de Phoenix dans les cinq prochaines années, on lui vendra une équipe d'expansion en priorité.

Je ne pense pas que la Ligue nationale souhaite un retour à Québec. J'aimerais que ce soit le contraire, mais je ne pense pas , a récemment résumé le maire de Québec, Bruno Marchand.

Bien de l’eau a coulé sous les ponts ces 15 dernières années. Le discours a changé, les ambitions de la LNH aussi et le rêve d’un retour des Nordiques est à la dérive.

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